Loin de la rhétorique militaire : vers une nouvelle définition de la sécurité

Depuis des mois, politiciens, généraux et faiseurs d'opinion nous mettent quotidiennement en garde et nous exhortent à nous préparer à la guerre. Aujourd'hui, la Commission européenne fait de même. Au départ, les messages portaient principalement sur la manière dont les gouvernements devraient se préparer, mais le débat a également atteint le niveau individuel, s'inquiète Hilde Deman.

Hadja Lahbib, European Commissioner for Preparedness, Crisis Management and Equality, attends the London Sudan conference at Lancaster House in London, Tuesday, April 15, 2025. (Isabel Infantes/Pool Photo via AP)
"Être prêt à tout doit devenir le nouveau mode de vie européen”, a récemment déclaré Hadja Lahbib, commissaire européenne à la Préparation et à la Gestion des crises.

Une opinion de Hilde Deman, directrice exécutive de Search for Common Ground

"Être prêt à tout doit devenir le nouveau mode de vie européen", a récemment déclaré Hadja Lahbib, commissaire européenne à la Préparation et à la Gestion des crises. Elle a illustré son propos dans un montage vidéo tape-à-l'œil dans lequel elle présente son sac à main comme un kit d'urgence. Sa carte d'identité, des allumettes, de l'eau, un couteau de poche… Un à un, Lahbib a rassemblé les objets essentiels pour rester en vie pendant trois jours.

Depuis des mois, politiciens, généraux et faiseurs d'opinion nous mettent quotidiennement en garde et nous exhortent à nous préparer. Aujourd'hui, la Commission européenne fait de même. Au départ, les messages portaient principalement sur la manière dont les gouvernements devraient se préparer, mais le débat a également atteint le niveau individuel. En tant que citoyens, nous sommes censés garantir notre propre sécurité à l'aide d'un kit d'urgence. Ce que nous considérions comme une évidence en Belgique et dans d'autres pays européens – notre "sécurité" – prend soudain une tout autre signification et devient une question d'urgence.

La sécurité est un concept que je ne connais que trop bien grâce à mes 20 ans d'expérience dans le secteur de la construction de la paix (peacebuilding). Dans le contexte du peacebuilding, la sécurité désigne un état dans lequel les individus et les communautés peuvent vivre librement, sans craindre la violence, la discrimination ou l'oppression. Elle comprend à la fois la protection immédiate contre les menaces et la sécurité à long terme, notamment la cohésion sociale, la confiance dans les institutions et la justice. Nous parlons souvent de sécurité humaine, allant au-delà de la défense militaire pour inclure la stabilité économique, politique et environnementale afin de prévenir ou de désamorcer les conflits. Il s'agit là d'un aspect qui me semble absent du débat actuel, alors que la défense militaire semble prédominante.

Faut-il préparer nos esprits à la guerre ?

Je perçois une autre contradiction : nous devons veiller à notre propre sécurité, mais qu'en est-il de celle des autres ? Pensez aux habitants de l'est du Congo, du Soudan ou de Gaza. Alors que les appels à l'autoprotection se font de plus en plus pressants, les budgets de la coopération internationale diminuent dans le monde entier. Aux États-Unis, l'administration Trump a supprimé toute aide internationale du jour au lendemain. Le Royaume-Uni a décidé d'investir plus d'argent dans la défense au détriment de la coopération au développement, et en Belgique aussi, le gouvernement Arizona réduit fortement la coopération au développement. En Europe, les budgets de coopération au développement ne représentent en moyenne qu'un dixième des dépenses militaires. Ainsi, même une suppression complète de ces fonds ne suffirait qu'à financer quelques semaines de dépenses militaires.

Néanmoins, il s'agit d'une histoire "à la fois… et…". À la fois le monde change et cela exige une approche intégrée. Il ne s'agit pas de choisir entre l'un ou l'autre, mais de combiner les deux. Car la consolidation de la paix est essentielle pour s'attaquer aux causes profondes des guerres et des conflits. Sans efforts ciblés, les sociétés restent vulnérables à la résurgence des conflits et la paix reste inaccessible. La défense et la coopération au développement (dont la consolidation de la paix est un élément essentiel) peuvent être complémentaires. La consolidation de la paix ne consiste pas seulement à prévenir les conflits armés et à y mettre fin, mais aussi à créer une société stable et résiliente.

Ces mots qui cadrent notre imaginaire : guerre

Comment faire face à la polarisation croissante de notre société ? Comment éduquer nos jeunes à distinguer les "fake news" des informations factuelles ? Comment faire en sorte que nous soyons capables de gérer des opinions différentes ? Autant d'aspects de la consolidation de la paix qui sont bien plus efficaces (à long terme) qu'un programme d'urgence.

Dans son accord de coalition, le gouvernement belge fait valoir l'importance de l'approche dite "3D". En d'autres termes, une bonne cohérence entre la diplomatie, le développement et la défense. Ce qui est frappant : les plans de défense sont concrets et soutenus par un budget supplémentaire. En revanche, les plans relatifs à la diplomatie et à la coopération au développement restent vagues. Cela se reflète dans le débat public, où la rhétorique militariste s'intensifie et où les discours musclés deviennent la norme. L'"approche 3D" semble plutôt se transformer en "3P" : Préparation, Panique et Patrouille…

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